La venue
Je ne savais rien de ce poète lorsque son nom si français sonna
à mes oreilles en le découvrant au faîte de son dernier livre sur
une table de librairie. Et pour une fois ce ne sont pas des grappes
de mots choisis au hasard dans le corps du texte qui m’amenèrent à
lui mais la quatrième de couverture ou l’on pouvait lire que La
venue est le huitième recueil de Liturgies, le journal en
sonnets de Robert Marteau.
En effet, une date estampille chacun des 357 sonnets et l’ensemble
couvre la période du 1er janvier 2005 au 24 décembre
2006. Dans chaque poème, Robert Marteau décrit une scène, une
situation, un événement anodin lié à la saison ou une réflexion
propre à son état intérieur. Et la forme du sonnet semble lui
servir de trame pour déployer son regard, à la manière du peintre
qui scrute à travers un cadre en bois le paysage qu'il dessine sur
sa toile, s'en servant de grille virtuelle pour reporter les
proportions et détacher les formes les unes des autres sans être le
jeu de sa propre représentation de l'espace.
Ainsi, sa poésie possède cette capacité à donner force à ce qu'il décrit et à le détacher du reste :
(Samedi 12 mars 2005, p16)
La ponctuation respecte les règles d'usage et les quatre strophes
ne sont pas séparées, ce qui rapproche les sonnets de la prose et
rend discret leur structure, presque invisible, comme le croquis
initial qui disparaît sous l'huile du peintre. Les vers sans rime
ajoutent à cet effet et, en limitant la recherche formelle,
permettent une grande précision dans la description, tout en
ciselant une nouvelle musique de la langue.
Mais ce cadre préexistant au poème est peut-être d'abord une
grille mentale pour faire le vide en soi et trouver l'état d'esprit
le plus favorable à l'observation :
(Lundi 27 juin 2005, p30)
Robert Marteau est un écrivain français autodidacte, né
en 1928 et mort en 2011. Instituteur pendant vingt ans, il consacra
sa vie à l'écriture. Il est l'auteur de nombreux recueils de
poésie, mais aussi de romans, d'essais et de traductions. En 1962,
Michel Deguy l'invite à collaborer à la revue Po&sie. Il
quitta l'enseignement peu après et vécut pendant douze ans au
Québec où il prit la nationalité canadienne. Son journal en
sonnets à débuté par la publication en 1992 de Liturgies,
qui donne son nom à l'ensemble. Ce mot désigne le culte public et
officiel de l’Église Chrétienne ; d'ailleurs quelques poèmes
font référence à la religion ( « J'écris sous le regard du
Christ. Je m'en rends compte. / Je n'y cherche pas
d'explication. » p42) Mais ici, le travail de salut de l'âme
s'est transformé en celui du salut quotidien de la beauté du monde
et de la diversité de la vie.
Toute la force de cette poésie se trouve dans sa capacité à
redonner de la densité et de la vibration à la vie qui nous entoure
et à permettre à la spiritualité humaine de s’épanouir à
partir de ce qui est accessible car « Chacun a droit / Ici et
maintenant à sa vie immortelle / Même si elle n'est faite que
de papier ; » (p89).
Il me semble trouver là, à défaut d'une définition de la
poésie, car elle est multiple et insaisissable, une pratique
essentielle de la joie du poème dont l’inscription sur la page
n'est que la trace d'une disposition du corps et de l'esprit à
s'ouvrir au monde par tous les sens :
Cultive en toi les fleurs qui fleurissent la terre ;
Retrouvez Robert Marteau sur le site qui lui est consacré www.robertmateau.com et sur Terres de femmes