Pollens
J’aurais du commencer par là.
Car j’ai emprunté le nom de cette rubrique au poète Novalis.
En 1798, il publie son premier recueil de fragments dans la revue Athenäum,
sous le nom de Pollen, en allemand Blüthenstaub, littéralement "poussière
de fleur", et qui sera repris en France sous le nom de Grains de pollen.
Il inaugure alors le fragment comme nouvelle forme littéraire qui lui permet de
mêler des réflexions sur la littérature, la philosophie, la politique, la
morale, mais aussi la science ou la médecine.
Cette revue fondée par August et Friedrich Schlegel,
regroupa autour d'elle ce qu'on a appelé le romantisme de Iéna, une école de
pensée qui souhaitait renouveler le rapport du sujet au monde en l'abordant par
tous les domaines : art, philosophie, science, religion. On y trouve outre
Novalis et les frères Schlegel, Ludwig Tieck, Friedrich Schleiermacher mais
aussi Dorothea Veit, Carolina Schelling et Sophie Tieck.
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Novalis |
Ce mouvement littéraire a été essentiel pour moi par les
formes très libres qu'il proposait, loin de l'orthodoxie universitaire de la
pensée, par l'importance qu'il importait au lien entre l'art la nature, la
poésie et la spiritualité. Et sa grande force provient de la production
simultanée des réflexions et des œuvres qui illustrent la même pensée. Il y
avait là une pratique collective de la pensée et une mise en pratique de
l'écriture.
Et je renvoie au sujet du romantisme de Iena à un ouvrage considérable L’absolu littéraire de Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-luc Nancy (Seuil, 1978) qui présente à la fois ce mouvement et une réflexion essentielle sur le lien entre la littérature et le monde.
J’avais découvert ces textes dans Fragments précédé de Les
disciples à Saïs, dans la traduction de Maurice Maeterlinck, aux éditions José
Corti.
Aujourd’hui, cela me permet de découvrir qu’une nouvelle traduction par Laurent Margantin de ces
grains de Pollen a été mise en ligne sur le site de Fabula.org :
https://www.oeuvresouvertes.net/spip.php?rubrique20
En voici le fragment 18 :
« Comment un homme peut-il avoir du sens pour quelque chose s’il n’en a pas le germe en lui ? Ce que je dois comprendre doit se développer organiquement en moi ; et ce que j’ai l’air d’apprendre n’est que nourriture, incitation de l’organisme. »
Et voici le dernier de ces Grains de Pollen, le fragment 114
:
« L’art d’écrire des livres n’a pas encore été inventé. Mais il est sur le point de l’être. Des fragments comme ceux-ci sont des semences littéraires. Naturellement, il peut y avoir parmi eux de nombreux grains morts, mais qu’importe, pourvu que quelques-uns lèvent ! »
Alors, pour ma part, j’entendrai
ici par Pollens, les semences venues à moi, par nécessité ou par hasard, les
graines recueillies dans les interstices du béton, ou collées à mon pull lors
de randonnée en pleine nature. J’y verrais un espace d’accumulation de
matériaux et de mélanges, un jardin pour permettre aux idées de germer
lorsqu’elles ont besoin de temps et aux semences de s’envoler lorsqu’elles sont prêtes.