jeudi 21 septembre 2017

Pollens#2

Pollens


J’aurais du commencer par là.

Car j’ai emprunté le nom de cette rubrique au poète Novalis. En 1798, il publie son premier recueil de fragments dans la revue Athenäum, sous le nom de Pollen, en allemand Blüthenstaub, littéralement "poussière de fleur", et qui sera repris en France sous le nom de Grains de pollen. Il inaugure alors le fragment comme nouvelle forme littéraire qui lui permet de mêler des réflexions sur la littérature, la philosophie, la politique, la morale, mais aussi la science ou la médecine.

Cette revue fondée par August et Friedrich Schlegel, regroupa autour d'elle ce qu'on a appelé le romantisme de Iéna, une école de pensée qui souhaitait renouveler le rapport du sujet au monde en l'abordant par tous les domaines : art, philosophie, science, religion. On y trouve outre Novalis et les frères Schlegel, Ludwig Tieck, Friedrich Schleiermacher mais aussi Dorothea Veit, Carolina Schelling et Sophie Tieck.

Novalis

Ce mouvement littéraire a été essentiel pour moi par les formes très libres qu'il proposait, loin de l'orthodoxie universitaire de la pensée, par l'importance qu'il importait au lien entre l'art la nature, la poésie et la spiritualité. Et sa grande force provient de la production simultanée des réflexions et des œuvres qui illustrent la même pensée. Il y avait là une pratique collective de la pensée et une mise en pratique de l'écriture.
Et je renvoie au sujet du romantisme de Iena à un ouvrage considérable L’absolu littéraire de Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-luc Nancy (Seuil, 1978) qui présente à la fois ce mouvement et une réflexion essentielle sur le lien entre la littérature et le monde.

J’avais découvert ces textes dans Fragments précédé de Les disciples à Saïs, dans la traduction de Maurice Maeterlinck, aux éditions José Corti.
Aujourd’hui,  cela me permet de découvrir qu’une nouvelle traduction par Laurent Margantin de ces grains de Pollen a été mise en ligne sur le site de Fabula.org :
https://www.oeuvresouvertes.net/spip.php?rubrique20

En voici le fragment 18 :

« Comment un homme peut-il avoir du sens pour quelque chose s’il n’en a pas le germe en lui ? Ce que je dois comprendre doit se développer organiquement en moi ; et ce que j’ai l’air d’apprendre n’est que nourriture, incitation de l’organisme. »

Et voici le dernier de ces Grains de Pollen, le fragment 114 :

«  L’art d’écrire des livres n’a pas encore été inventé. Mais il est sur le point de l’être. Des fragments comme ceux-ci sont des semences littéraires. Naturellement, il peut y avoir parmi eux de nombreux grains morts, mais qu’importe, pourvu que quelques-uns lèvent !  »

Alors, pour ma part,  j’entendrai ici par Pollens, les semences venues à moi, par nécessité ou par hasard, les graines recueillies dans les interstices du béton, ou collées à mon pull lors de randonnée en pleine nature. J’y verrais un espace d’accumulation de matériaux et de mélanges, un jardin pour permettre aux idées de germer lorsqu’elles ont besoin de temps et aux semences de s’envoler lorsqu’elles sont prêtes. 


mercredi 20 septembre 2017

Pollens#1








Quel est donc cet homme sur ce sentier de montagne ? Que fait-il là ? 
Où va-t-il ? Fuit-il le monde humain ? Part-il pour se remettre du mal de vivre ?




Il s’agit du début d’une histoire simple. Un jeune homme se retire dans la montagne pour peindre et méditer sur son art. Il trouvera dans ce lieu retiré un refuge et des rencontres singulières. Mais ce récit s’avère aussi une réflexion sur l’art. Nous y retrouvons la tradition japonaise mais l’auteur la dépasse en proposant une réflexion personnelle à partir de la peinture occidentale.





Ici, il met en avant la poésie comme recours pour vivre. Pourtant, il ne s’agit pas de l’ériger en valeur supérieure qui donnerait sens à l’existence et justifierait le sentiment de vide voire les souffrances de l’artiste ; mais de trouver dans le quotidien la beauté même du monde :





« Il suffit de contempler le monde où l’on vit, et de contenir, avec pureté et clarté, dans l’appareil photographique de l’esprit, le monde d’ici-bas, futile et chaotique. C’est pourquoi un poète anonyme qui n’a pas écrit un seul vers, un peintre obscur qu n’a peint qu’une seule toile, sont plus heureux qu’un millionnaire, qu’un prince, que toutes les célébrités du monde trivial, car les premiers savent observer la vie, peuvent s’abstraire de toute préoccupation, sont en mesure d’entrer dans le monde de la pureté, de construire l’univers unique et de balayer les contraintes de l’égoïsme. »





Je ne pouvais résister à vous inviter à suivre ce jeune homme sur le sentier de ses pensés et à parcourir ce récit lumineux qui donne l’impression de comprendre l'être humaine. Il s’agit d’Oreiller d’herbes, un livre publié en 1906, par Natsume Soseki, poète et écrivain japonais.




« Tout artiste est précieux car il apaise
le cœur humain et enrichit le cœur des hommes. »